Pierre-Ambroise
Bosse : «Aucun regret»
Le
16/08/2016 à 05:07:00 | Mis à jour le 18/08/2016 à 12:33:45 | 89 Commentaires
Quatrième de la finale du 800m
olympique à Rio dans la nuit de lundi à mardi, Pierre-Ambroise Bosse est déçu
mais estime avoir été à son meilleur niveau.
«Avez-vous des regrets
après cette finale ?
Je n’en ai aucun. J’ai plein de regrets dans ma vie mais aujourd’hui pas du
tout. Au contraire, j’ai fait ce que je voulais, c’est-à-dire aller chercher la
gagne jusqu’au bout. Malheureusement j’étais un peu juste. Il aurait fallu que
je sois à la hauteur de mon record personnel aujourd’hui (lundi). Ce n’était
pas le cas. Mais je réalise ma meilleure performance de la saison, ça prouve
que j’étais quand même en forme. Et au taquet parce que j’ai mis trente minutes
à récupérer de ma course. Je ne sais pas comment les médaillés se sont débrouillés
pour faire leur tour d’honneur. Si j’avais eu une médaille honnêtement je
n’aurais pas réussi. C’est ma seule réjouissance ce (lundi) soir (rire).
Est-ce la première fois
que vous êtes heureux d’une quatrième place ?
Je ne suis pas heureux ! Je dis que je n’ai pas de regrets, ça n’a rien à
voir. Je me serais satisfait d’une médaille de bronze, croyez-moi.
«À la fin il n'y a plus
rien. Plus un boulon qui tient»
C’est la plus belle
finale que vous ayez courue ?
C’est surtout mon meilleur niveau. J’ai fait trois belles courses (sa série, la
demie et la finale). (Il calcule) J’ai fait 2300 beaux mètres. Et les derniers
100m ont foiré. Mais c’était costaud devant, 1’42’’15. La dernière finale avec
un tel chrono, c’était les derniers Jeux. Et c’est toujours le même qui gagne
(Rudisha).
Que s’est-il passé en
fin de course ?
Déjà, dans le dernier 100m j’ai commencé à regarder le grand écran ce qui n’est
pas très bon signe. Je savais que je n’avançais plus. C’est l’effet parachute
en fin de compte. (Il souffle)
À la fin il n’y a plus rien. Plus un boulon qui tient. C’était une belle
finale.
Ressentez-vous de la
fierté d’avoir répondu présent dans cette finale ?
Je valais sûrement une médaille mais je ne l’ai pas faite. Je suis très très
fier de mon parcours actuellement. J’ai encore une, voire deux olympiades à
passer. Mais je me sens plus déçu que fier. Bien plus même.
«Kipketer nous a foutu
dedans, je ne sais pas quel était son rôle exact dans la course»
Les à-coups
de Kipketer vous ont fait mal ?
Oui, je pense. Regardez les coups que je me suis pris (il a des cicatrices sur
les jambes), ça veut dire qu’il y a eu de la bousculade dans le peloton.
Kipketer nous a foutu dedans, je ne sais pas quel était son rôle exact dans la
course. Lièvre ? Non ! Il gêne Rudisha deux ou trois fois. Ce qui
était intéressant de ma position, c’est que je voyais ce qu’il se passait.
J’étais lucide. Et même en l’étant je me suis pris des coups. C’est le 800m
hein. Là où Rudisha est extraordinaire, c’est qu’il essaye de passer une fois,
il joue des coudes, une deuxième fois, il joue des coudes et il met une
attaque, plus personne ne peut suivre. C’est là qu’il a montré sa force et sa
détermination.
Vous sembliez détendu avant la course…
Pour l’anecdote… (il montre son dossard) la moitié d’entre nous n’en avait pas.
En demi-finale on en avait un nouveau, donc on s’était dit en finale, on va
encore en avoir un nouveau. Personne ne l’avait ! Après c’était la
détente, c’était un peu le Club Med. On se disait, mais quand est-ce qu’ils vont
nous filer nos dossards ? Vous vous rendez compte ? On se serait cru
aux Interclubs. Donc ça a détendu l’atmosphère, c’est pour ça que je n’étais
pas nerveux au départ.
«Maintenant
je vais reprendre ma vie d'humain»
Les
conditions climatiques (pluie) vous ont elles gêné ?
Moi, je visais l’or. Pour ça il fallait réaliser mon record personnel et
bénéficier de belles conditions. Quand il a commencé à pleuvoir je me suis
inquiété. Mais ça s’est calmé, et finalement il n’y a pas de vent dans le
stade. Il y en a plus dehors que dedans, c’est une cuvette.
Ces Jeux resteront un bon souvenir ?
Oui. Et maintenant je vais reprendre ma vie d’humain. J’ai une Ligue de Diamant
à aller chercher. C’est mon deuxième objectif de la saison. Je ne vais pas me
contenter d’une 4e place aux JO. Maintenant, je vais aller profiter de ma
famille qui est venue me soutenir. Mes parents, mon frère, ma sœur, des amis.
Ils n’ont pas fait le voyage pour rien. Je les ai vus de loin, ils souriaient.»
Pierre-Ambroise Bosse
fait une dédicace en direct à son chat après sa 4ème place aux Jeux Olympiques
JEUX OLYMPIQUES -
Malgré sa 4ème place en
finale du 800m des Jeux olympiques de Rio, Pierre-Ambroise Bosse fait régner
la bonne humeur en interview.
Au micro de
Nelson Monfort sur France 3, le coureur
français de 24 ans a tenu à remercier ses proches pour leur soutien, mais
pas seulement.
J'aimerais dire un mot à Rabs aussi, c'est mon chat. Rabs, je sais que
t'espérais mieux toi aussi. Tu m'avais dit de faire une médaille, je l'ai pas
fait, je suis désolé, plaisante-t'il. Voilà ce que tu vas faire, tu vas
descendre de ce canapé, tu vas aller jusqu'au frigo, ouvrir la porte, tu vas
ouvrir une bière et tu vas la boire cul-sec pour moi."
Celui qui avait réalisé le meilleur temps des demi-finales a également eu
une pensée pour ses amis venus l'encourager à Rio: "Même mon petit Freddy
est venu. Vous vous rendez compte, il en a profité pour demander sa femme en
fiançailles, quel beau voyage! Enfin, j'espère qu'il l'a fait sinon je viens de
la spoiler."
Une bonne humeur qui n'a pas empêché l'athlète d'offrir une analyse lucide
de sa course à la presse. "Dans ces JO, j’ai fait 2300 très beaux mètres.
Les cent derniers ont foiré. J’ai senti que je sautais complet, déclare-t-il à 20 Minutes. Je
regarde l’écran géant et ça n’est pas bon signe. Tu n’arrives plus à avancer.
C’est l’effet parachute, il n’y a plus un boulon qui tient à la fin."
Pour sa première finale olympique, le médaillé de bronze aux Championnats
d'Europe 2012 a réalisé sa meilleure performance de la saison. Un temps qui n'a
pas suffit à devancer l'élite mondiale.
Les ''délires'' de Pierre-Ambroise BOSSE
Pierre-Ambroise Bosse à Moscou, le 13 août 2013 -
Franck Fife/AFP
(De Moscou) Mercredi, Pierre-Ambroise Bosse a prouvé qu’il suffit
d’une bonne blague sur le vomi et d’une autre sur des Bretons bourrés pour se
révéler au monde. En exposant au micro de Nelson Monfort sa spontanéité amusante et son sens de la
formule, si rares dans le sport, l’athlète français a entretenu sa réputation
de petit rigolo, bien connue de ceux qui le fréquentent.
Sa page Facebook
regorge de vannes, qui tournent toujours autour des filles et de la bière. Le
jour où il est arrivé dans son hôtel moscovite pour le début des Mondiaux, le
Nantais de 21 ans a posté une photo de la belle tenniswoman Maria Sharapova, accompagnée d’un
commentaire second degré :
« Arrivé à Moscou en bonne santé ! Quelle surprise
de voir Maria... Accueil russe chaleureux. A suivre... »
Il dit souvent qu’il « fiole » ou qu’il
« défiole »
Bosse se marre à longueur de journées. Le perchiste Valentin Lavillenie le qualifie de
« mec fou, à part, qui déconne tout le temps ». Sa grande soeur,
Diane, 24 ans, se souvient de ses délires à l’école : « inventer
des mots que tout le collège finissait par reprendre ».
Cet amateur de jeux vidéo et de mangas – il se
compare à Luffy, pirate aux pouvoirs magiques,
« héros naïf et insouciant » – dit souvent qu’il « fiole »
ou qu’il « défiole ». Comprendre : qu’il gagne ou qu’il perd de
l’énergie, en référence aux potions que l’on ramasse dans les jeux d’aventure.
Cette fantaisie n’intéresserait personne si elle n’enrobait
pas un sportif prometteur. La progression de Bosse sur 800 m épate :
un beau palmarès en juniors, une médaille de bronze dès ses premiers
championnats d’Europe, la troisième meilleure performance française de tous les
temps, une finale mondiale ce mercredi.
Le jeune homme a tout ce qu’il faut pour prétendre à un
avenir brillant : le talent, le sérieux, l’intelligence de course. La
première fois qu’elle l’a vu, la double championne du monde Eunice Barber a été bluffée par « ce
petit, différent, si concentré sur ce qu’il fait ». Bruno Gajer
l’entraîne depuis deux ans à l’Insep :
« Pierre-Ambroise est un des athlètes les plus faciles
et intelligents que j’ai eu à entraîner. Il est toujours à l’heure. Son
investissement est total. Il a un côté bon élève et étudiant brillant. Il
s’étire tous les jours dans sa chambre, tout seul. C’est systématique. Et ce ne
sont pas des petits étirements. Ce sont des postures que lui ont montré les
kinés. »
Meetings de Mélenchon et études de kiné
Tout naturellement, Bosse s’est spécialisé dans le
800 m, cette course épuisante, bâtarde parce qu’elle exige d’être aussi
rapide qu’endurant. Au Monde, il
explique :
« Je voulais faire comme ma sœur, qui gagnait
tous les cross-country. C’était ludique, au début. Puis on m’a orienté vers ça.
Je me considère comme un coureur pur de 800 m. J’ai une bonne base de
vitesse. J’ai le niveau d’un sprinteur blanc moyen. Je suis en 10’’6 à
l’entraînement, soit le potentiel d’un 10’’4 ou 10’’5. »
Une fois passé le temps des victoires faciles et des
premiers espoirs, la tête du jeune homme est devenue lourde. L’angoisse de
devoir confirmer les attentes, la souffrance d’affronter plus fort que soi. Les
insomnies. On sent que le cerveau de Bosse bouillonne en permanence.
Sa vie intérieure est riche et ouverte sur le monde. La
politique l’intéresse, il a écumé quelques meetings de
Jean-Luc Mélenchon. Il refuse, au contraire de Pascal
Martinot-Lagarde, son camarade de la
prometteuse génération 1992, de ne vivre que pour sa carrière
sportive, qu’il sait éphémère, et de lâcher ses études de kiné, « cela vient aussi de [son]
éducation ».
L’an passé, pour se rendre l’existence plus supportable et
se donner les moyens de ses ambitions, PAB décide de professionnaliser son
rapport au sport. Il « gagne cinq ans en un », dit-il, se résout à
réduire les sorties, lui qui a habillé les murs
de sa chambre de photos de soirées.
Il se met à la guitare pour occuper les nuits blanches et se
crée ce personnage toujours enjoué pour combattre le stress. Son
entraîneur :
« Il a mené une réflexion là-dessus. Cette facette de
fêtard rigolo, il la met en avant alors qu’il n’est pas que cela. Manier
l’humour, c’est une forme d’intelligence et c’est savoir se moquer de soi. Il
est très fort en autodérision. L’humour lui permet très certainement d’évacuer
le stress négatif. »
« Il y a une solitude et il y a une folie »
Désormais, Bosse accepte la défaite et adore la souffrance.
Il sait qu’il est allé au bout de ses limites quand il vomit à la fin de la course.
C’est trivial mais il y a surtout quelque chose de poétique
à voir un esprit si fiévreux dompter ce sport infernal qu’est le 800 m,
alliage d’intelligence tactique et de souffrance pure. Equilibre entre la
rationalité et l’animalité, vers laquelle son coach veut qu’il penche :
« L’intelligence de course, c’est l’instinct. Et il
l’a. Il sait arrêter de réfléchir. J’ai lu ses commentaires sur
sa course d’hier [mercredi] soir. Peut-être qu’il a, cette fois-là, un peu
réfléchi. Quand il court comme un animal instinctif, où la survie est en jeu, il
court mieux. »
Lorsqu’on lit le jeune athlète raconter sa discipline,
on se dit que la rencontre entre Bosse et cette course de fond ne peut être le
fruit du hasard.
« La solitude du coureur de fond, ça existe. T’es seul
avec ta douleur, tout se passe dans ta tête. Il y a une solitude et il y a une
folie. »
Bryan Cantero, membre
de l’équipe de France de 1 500 m, a vu l’évolution de son grand
ami :
« Je me souviens qu’aux Mondiaux juniors de 2010, il
était beaucoup plus stressé que maintenant. Il a pris de la confiance en lui,
il est devenu plus serein. Surtout, il prend toujours tout à la dérision. Tout
est un jeu pour lui, c’est ce qui est le plus impressionnant. »
Pierre-Ambroise Bosse aux JO de Londres le 7 août
2012 - Gabriel Bouys/AFP
Parce que, selon sa formule, il n’est « qu’un
enfant, [il n’a] même pas de barbe », cette dérision après sa défaite
mercredi a fait un bien fou. Quand son statut aura changé, qu’il aura de la
barbe et sera favori, il y en aura pour interpréter cet humour comme de la
désinvolture.
Déjà, son entourage lui a remonté les bretelles parce qu’il
avait la fâcheuse manie, après ses courses, de
« faire la quenelle », ce geste popularisé par Dieudonné. Sur
Internet, l’ancien humoriste et ses admirateurs lui rendaient hommage, comme
s’ils voulaient voir en
Bosse l’un des leurs. On se doute bien que c’est l’humoriste, pas la figure
politique, qui plaît au coureur.
Non, celui que PAB admire par-dessus tout, c’est David
Rudisha, le roi du 800 m, le champion masaï à la vie d’ascète. « Un vrai mec bien »,
qui sourit mais ne dit jamais un mot plus haut que l’autre.
C’est assez drôle d’imaginer qu’un jour, le grand rival du
Kenyan pourrait être un petit Français au regard coquin et à la vanne
facile.
Comme promis,
Pierre-Ambroise Bosse a amené son chat au Stade de France
4e de la finale du 800m aux JO de Rio,
Pierre-Ambroise Bosse avait dédicacé sa «médaille en chocolat» à son chat Rabs.
«Rabs, voilà ce que tu vas faire: tu vas descendre de ce canapé, tu vas aller
jusqu'au frigo, ouvrir la porte, tu vas ouvrir une bière et tu vas la boire
cul-sec pour moi», avait lancé avec humour l'athlète sur France 3, avant
d'annoncer qu'il emmènerait son félin gris au Stade de France pour le meeting
de Paris.
Whiskas avant la course
Promesse tenue puisque Rabs était bien présent sur
la piste dyonisienne samedi. Equipé d'un petit t-shirt bleu et d'une laisse, le
chat a joué les coaches d'un soir si l'on en croit Pierre-Ambroise Bosse,
interrogé au micro de Canal +: «Il m'a dit ce soir je suis ton coach.
Il a su être convaincant. Bon malheureusement j'ai eu des remontées gastriques.
Il ne donne pas que des bons conseils. Il m'a demandé de m'hydrater mais il m'a
également obligé à manger des Whiskas deux heures avant la course, je lui en
veux un petit peu...» Ce qui explique, sans doute, sa 6e place lors du 800m au
Stade de France.